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FOCUS SUR LE RÉGIME FISCAL DE L’ARTICLE 151 OCTIES DU CGI

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FOCUS SUR LE RÉGIME FISCAL DE L’ARTICLE 151 OCTIES DU CGI

La mise en société d’une entreprise individuelle « rime » avec cessation d’activité et par suite, plus-values professionnelles taxables sauf régime de faveur. L’article 151 octies du CGI offre à l’apporteur un régime de faveur dont les principes méritent d’être rappelés.

L’apport en société d’une entreprise individuelle est assimilé à une cession de cette entreprise, ce qui entraîne normalement l’imposition immédiate au nom de l’ancien exploitant des bénéfices d’exploitation non encore taxés, des plus-values latentes de l’actif immobilisé et, le cas échéant, des bénéfices et plus-values en sursis d’imposition (plus-values à court terme en cours d’étalement, provisions…).

Les personnes qui font apport d’une entreprise individuelle à une société peuvent opter pour l’application du régime de l’article 151 octies du CGI. Ce régime permet notamment à l’apporteur d’éviter l’imposition des plus-values dégagées sur les éléments amortissables (ces plus-values sont réintégrées dans le résultat imposable de la société sur une période maximale de cinq ans  ou quinze ans pour les immeubles) et de différer la taxation des plus-values afférentes aux éléments non amortissables jusqu’à la cession, le rachat ou l’annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l’apport ou la cession, par la société, des biens apportés.

Le régime de l’article 151 octies du CGI est optionnel, il n’est pas toujours opportun de formuler une option pour en bénéficier.

En effet, un régime d’exonération de plus-value plus intéressant peut s’appliquer tel que l’article 151 septies du CGI. Il faut alors vérifier que l’activité ait été exercée depuis au moins 5 années et que les seuils de recettes ne soient pas dépassés. L’article 238 quindecies du CGI pourrait être également applicable mais il sera écarté chaque fois que l’apporteur détient le contrôle capitalistique et/ou fonctionnel de la société bénéficiaire de l’apport.

Le dispositif de l’article 151 octies du CGI n’est pas cumulable avec l’exonération prévue par l’article 151 septies du CGI. Les contribuables doivent donc choisir le régime qui leur semble le plus favorable. Il convient de mettre en perspective, d’une part, l’obligation de payer immédiatement l’impôt sur une fraction de la plus-value et, d’autre part, le report d’imposition au profit de l’apporteur de la totalité de plus-value sur les biens non amortissables et l’obligation de réintégrer aux résultats de la société bénéficiaire de l’apport la totalité de la plus-value sur les biens amortissables.

Pour que le régime de l’article 151 octies du CGI trouve application, 4 conditions doivent être vérifiées.

L’apport doit être réalisé par un contribuable exerçant une activité professionnelle à titre habituel et individuel, quelle qu’en soit la nature industrielle commerciale artisanale non commerciale ou agricole.

L’apport doit porter sur une entreprise individuelle ou sur une branche complète d’activité.

L’apport doit être rémunéré par des actions ou parts sociales, qui ne dégagent pas de liquidités au profit de l’apporteur. La rémunération de tout ou partie des actifs transférés par le versement de sommes d’argent, par la prise en charge d’un passif personnel à l’apporteur ou l’ouverture d’un compte courant à son nom, confère à l’apport le caractère d’une vente et exclut l’opération du champ d’application de l’article 151 octies du CGI.

L’apport peut être effectué en faveur de toute société soumise à l’impôt sur les sociétés ou au régime fiscal des sociétés de personnes (impôt sur le revenu), quelle que soit sa forme sous réserve de relever d’un régime réel d’imposition à la date de l’apport.

Le régime de l’article 151 octies du CGI ne comporte pas de limite temporelle

Rappelons que le régime de faveur de l’article 151 octies est aujourd’hui l’un des seuls régimes qui ne prévoit pas d’exonération définitive. En effet, le Gouvernement s’est toujours refusé à transformer ce dispositif de report en exonération, en dépit des incessantes demandes en ce sens principalement lors des collectifs budgétaires de fin d’année.

Récemment dans une affaire, un contribuable soutenait qu’en prévoyant l’imposition entre les mains du donataire de plus-values placées en report d’imposition à la suite d’une opération d’apport réalisée par le donateur, sans prévoir d’atténuation de cette imposition par l’effet de l’écoulement du temps, le législateur aurait fait peser, sans limitation de durée, sur le donataire une imposition liée uniquement à l’enrichissement du donateur à raison de ces plus-values réalisées antérieurement au transfert de propriété des droits sociaux et par suite sans lien avec ses facultés contributives, méconnaissant ainsi les exigences constitutionnelles. Le Conseil d’État vient de rejeter l’ensemble des demandes de ce contribuable dans une décision du 12 juillet 2023, n° 474529.

Fort heureusement les textes prévoient des exceptions à déchéance.

Le maintien du report d’imposition est notamment prévu en cas de transmission à titre gratuit de la pleine propriété ou de la nue-propriété des droits sociaux rémunérant l’apport si le bénéficiaire s’engage à acquitter l’impôt afférent à la plus-value lorsque intervient la cession, le rachat ou l’annulation des droits sociaux reçus ou la cession, par la société, des biens apportés. Il en va de même en cas de donation-partage avec soulte (BOI-BIC-PVMV-40-20-30-20 n° 110). En cas de transmissions successives à titre gratuit de droits sociaux, le report est maintenu dès lors que chaque bénéficiaire souscrit l’engagement requis.

Il appartient ainsi au notaire chargé de rédiger la donation ou de déposer la déclaration de succession d’informer les donataires et héritiers des conséquences inhérentes à la donation ou à la transmission à cause de mort sur le report d’imposition. Si les donataires ou héritiers souhaitent continuer à̀ bénéficier du report d’imposition, il est nécessaire que l’engagement soit pris par les donataires dans la donation ou les héritiers au pied de la déclaration de succession. A cet égard, le défaut de conseil concernant la nécessité d’intégrer à l’acte portant transmission un tel engagement constitue une faute permettant la mise en cause de la responsabilité du notaire (CA d’appel Paris, 11 octobre 20022, n° 19/21489).