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La donation de titres sociaux combinée au cash-out : mélange explosif ?

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Technique « en vogue » depuis quelques années, le cash-out selon les circonstances dans lesquelles il est réalisé relève de l’habileté fiscale mais peut tomber dans le piège de l’abus de droit. Il faut d’autant plus être prudent si cette opération est précédée d’une donation de titres sociaux.

Le cash-out est une technique permettant à l’associé, via une réduction de capital non motivée par des pertes, d’obtenir un remboursement des richesses qu’il a initialement injectées dans la société, son apport, ainsi qu’une part des richesses générées et mises en réserve au cours de la vie de la société. L’opération ici envisagée est un cash-out combinée à une donation de titres sociaux.

  • Une fiscalité attrayante !

La donation des titres sociaux rend exigible les droits de mutation à titre gratuit calculés sur la valeur des titres sociaux au jour de la donation. En revanche, s’agissant d’une société passible de l’IS, la donation des titres sociaux ne déclenche aucune plus-value mobilière des particuliers imposable. Bien au contraire, on dira que la plus-value est purgée.

Le retrait partiel d’actif est une opération aux termes de laquelle la société rachète les droits sociaux de l’associé qui souhaite se retirer, totalement ou partiellement, et qui reçoit en contrepartie des valeurs communes, espèces ou biens en nature correspondant à la valeur des titres rachetés.

Fiscalement, du point de vue des droits d’enregistrement, cette opération est enregistrée gratuitement conformément aux dispositions de l’article 814 C du CGI, dès lors qu’elle est constatée au sein d’un seul et même acte.

Du point de vue des impôts directs, le retrait d’un associé par le biais d’un rachat des titres par la société dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes, entraîne en principe l’imposition des sommes attribuées aux associés en tant que plus-values sur titres. L’article 112-6° du CGI prévoit en effet, que « les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires au titre du rachat de leurs parts ou titres sociaux » ne sont pas considérées comme des revenus distribués et que « le régime des plus-values prévu, selon le cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable ». Si l’opération ne s’analyse pas en un rachat de ses propres titres par la société et non motivé par des pertes, il convient d’appliquer le régime des distributions de bénéfices. Aussi, si l’opération s’analyse bien en une réduction de capital par rachat de titres non motivée par des pertes, l’opération génère bien des plus-values privées taxables. La plus-value, égale au montant attribué en contrepartie du rachat des titres sociaux diminué de la valeur d’acquisition des titres sociaux, devra être soumise au PFU au taux de 12,8 % majoré des prélèvements sociaux (sauf option pour une imposition au barème progressif d’imposition). En l’espèce, la plus-value sera nulle dès lors que la valeur des titres sociaux n’aura pas évoluée entre le jour de la donation et le jour de l’annulation des titres sociaux sociales.

En outre, l’attribution portant sur des espèces et non pas sur une immobilisation, l’opération n’entrainera pas l’apparition d’une plus-value professionnelle au niveau de la société.

On perçoit donc rapidement, le gain fiscal du montage envisagé.

  • Chaque fois qu’il y a attrait fiscal, il y a forcément risque ….

La question est simple : pourquoi donner des titres sociaux pour « immédiatement » opérer une réduction de capital social portant annulation des titres sociaux des donataires alors qu’il suffirait d’opérer une distribution de dividendes, les sommes issues de la distribution étant données ? Est-ce que cela signifie forcément que cette opération complexe encourt la requalification au titre de l’abus de droit ?

Cette opération a des similarités avec celle de donation-cession portant sur des titres sociaux. La donation avant cession est une stratégie patrimoniale consistant, plutôt que de vendre un bien pour en donner le prix, à donner d’abord ce bien, le donataire le revendant ensuite. Cette inversion dans la chronologie constitue une habileté fiscale destinée à purger la plus-value taxable, dans la mesure où aucune plus-value ne sera constatée sur la cession. En toute hypothèse, l’appréciation d’un abus de droit demeure toujours circonstanciée. 

Il faut reconnaitre qu’il n’existe pas, a priori, aujourd’hui de prise de position concernant la « donation des titres sociaux avant réduction de capital ». Les seules prises de position concernent le cash-out sans donation de titres sociaux. A cet égard, le comité de l’abus de droit ne donne pas systématique un avis favorable aux redressements opérés par l’administration fiscale. Les décisions des juges du fonds sont hétéroclites tantôt refusant de reconnaitre un abus de droit (TA Montreuil 7 novembre 2024 n° 2215137), tantôt estimant que celui-ci est caractérisé (TA Bordeaux 17 octobre 2024 n° 2205287 ; TA Montpellier 12 février 2024, n° 2201983, estimant que le montage était artificiel donc abusif).

Les juges du fonds avaient choisi un autre angle d’attaque pour contrecarrer ce type d’opération considérant que le régime d’imposition qui devait être retenu pour les associés dont les titres étaient rachetés était, non celui des plus-values de cession de droits sociaux, mais celui des revenus distribués, soutenant que s’appliquaient les dispositions de l’article 112,1° et non celles du 6° (CAA Bordeaux, 5e ch., 16 avr. 2024, n° 22BX01822). Le Conseil d’État a censuré les juges du fonds en se fondant sur une lecture stricte de l’article 112 du CGI (CE 15 octobre 2025, n° 495120).

Quoiqu’il en soit, il convient en présence d’une donation de titres sociaux suivie d’un cash-out de rester vigilant !