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Le décès d’un associé de société civile

Par Alexandra Arnaud Emery, diplômée notaire et consultante/formatrice en droit des affaires.

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Lorsque survient le décès d’un associé de société civile, il appartient au praticien de s’interroger sur la dévolution des parts sociales du défunt. De nombreuses situations peuvent se présenter, la première démarche étant de vérifier ce que prévoient les statuts et plus particulièrement la clause « Transmission à cause de mort ».

Le Code civil dans ses articles 1870 et 1870-1 organise la dévolution des parts sociales, les statuts affinent celles-ci.

Le principe est que le décès d’un associé n’entraîne pas la dissolution de la société ; celle-ci continue avec les associés survivants et les héritiers ou légataires du défunt. Mais les statuts peuvent déroger à ce principe et prévoir :

–  soit la dissolution de la société ;

–  soit la continuation de la société selon certaines modalités particulières.

  • continuation de la société avec les héritiers ou légataires ;
  • clause d’agrément des héritiers ou légataires ;
  • clause de continuation de la société avec les seuls associés survivants 
  • clause de continuation de la société avec certaines personnes déterminées (conjoint survivant, un ou plusieurs héritiers, etc.).

Si les statuts subordonnent l’entrée des héritiers ou légataires dans la société à l’agrément préalable des associés survivants, il convient de remarquer que l’agrément doit être délivré par « tête ». Il peut être accordé à certains héritiers ou légataires et refusé à d’autres. 

En cas de refus d’agrément, les héritiers ou les légataires exclus ont droit à une indemnité correspondant à la valeur des parts sociales de leur auteur. Cette valeur doit leur être payée par les nouveaux titulaires des parts ou par la société elle-même si celle-ci les a rachetées en vue de leur annulation. Dans le premier cas, l’acte à réaliser est un acte hybride à mi-chemin entre la cession de parts sociales et le remboursement de créance ; Les héritiers agissent en qualité de créancier et les cessionnaires en vue d’acquérir des parts sociales. Dans le second cas, doit être établie une réduction de capital avec annulation des parts sociales du défunt et un remboursement par la société de la créance des héritiers.

Une décision récente de la Cour de cassation souligne que l’héritier, s’il n’est pas associé, n’a pas qualité pour percevoir les dividendes, même avant la délivrance du legs des parts sociales. En l’espèce, l’héritier, qui n’avait pas été agréé comme associé de la SCI, ne pouvait pas prétendre aux dividendes distribués entre le décès de l’associé et la délivrance du legs. Solution inédite dont l’intérêt principal réside dans sa conséquence pratique : ni le légataire particulier, ni l’héritier n’avait droit aux dividendes distribués entre le décès et la délivrance du legs, dès lors qu’il n’a pas la qualité d’associé (Cass. 1e civ. 2 septembre 2020 n° 19-14.604 FS-PB).

Lorsque les statuts prévoient que la société ne sera pas dissoute en cas de décès d’un associé mais continuera entre les seuls associés survivants, les héritiers de l’associé décédé ont droit à une indemnisation. Les parts du défunt se trouvent transmises de plein droit aux associés survivants ; ainsi, les héritiers n’acquièrent à aucun moment la qualité d’associé et ils n’ont droit qu’à la valeur des parts de leur auteur, calculée dans les mêmes conditions qu’en cas de refus d’agrément.

Selon la base Bofip, BOI-ENR-AVS-20-20, n° 165, « Lorsque le rachat de ses titres par une société est consécutif au décès d’un associé, il y a lieu de prendre en compte les situations dans lesquelles les statuts de la société interdisent aux héritiers ou légataires du défunt de prendre la qualité d’associé ou soumettent l’acquisition de cette qualité à un agrément, refusé par la suite. Dans ce cas, les héritiers ou légataires ne peuvent pas devenir propriétaires des parts sociales.

La Cour de cassation a ainsi jugé que les légataires d’un associé décédé qui n’avaient pas la qualité d’associés en application des statuts de la société, n’étaient titulaires que d’un droit de créance représentant la valeur des parts du défunt. En conséquence il n’y avait pas cession de parts sociales, mais remboursement d’un droit de créance représentatif de la valeur des parts aux héritiers ou légataires, qui n’entre pas dans les dispositions de l’article 726 du CGI (Cass com. arrêt du 22 octobre 2013, n° de pourvoi 12-23737, ECLI : FR:CCASS:2013:CO01022, Bull 2013, IV, n° 157) ».

Les statuts peuvent aussi prévoir que la société continuera, soit avec le conjoint survivant, soit avec un ou plusieurs des héritiers, soit avec toute autre personne désignée dans les statuts ou, si ceux-ci l’autorisent, par disposition testamentaire.

Les statuts peuvent contenir une clause selon laquelle la société continuera seulement avec les héritiers des associés travaillant dans l’entreprise à l’exclusion des autres. Il n’est pas nécessaire que les bénéficiaires soient nommément désignés ; il suffit qu’ils soient déterminables et qu’il s’agisse bien d’héritiers. En revanche, les personnes n’ayant pas la qualité d’héritier ou de conjoint survivant du défunt doivent être nommément désignées, soit dans les statuts, soit, si les statuts le permettent, par disposition testamentaire.

Cette clause des statuts peut être complétée par une clause d’agrément de telle sorte que les associés survivants aient la possibilité de s’opposer à l’entrée dans la société d’une personne qu’ils estimeraient indésirable. Ce refus d’agrément entraîne les mêmes conséquences que lorsqu’il intervient à l’encontre d’héritiers ou de légataires.